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lundi 2 janvier 2012

Extrait "La Forme d'une Ville", Julien Gracq

"Habiter une ville, c'est y tisser par  ses allées et venues journalières un lacis de parcours très généralement articulés autour de quelques axes directeurs. Si on laisse de côté les déplacement liés au rythme du travail, les mouvements d'aller et de retour qui mènent de la périphérie au centre, puis du centre à la périphérie, il est clair que le fil d'Ariane, idéalement déroulé derrière lui  par le vrai citadin, prend dans ses circonvolutions le caractère d'un pelotonnement irrégulier.
Tout un complexe central de rues et de places s'y trouve pris dans un réseau d'allées et venues aux mailles serrées; les pérégrinations excentriques, les pointes poussées hors de ce périmètre familièrement hanté sont relativement peu fréquentes. Il n'existe nulle coïncidence entre le plan d'une ville dont nous consultons le dépliant et l'image mentale qui surgit en nous, à l'appel de son nom, du sédiment déposé dans la mémoire par nos vagabondages quotidiens. Le Paris où j'ai vécu étudiant, que j'ai habité dans mon âge mûr, tient dans une quadrilatère appuyé au nord à la Seine, bordé presque de out son long au sud par le boulevard Montparnasse: tout autour de ce cœur que mes déambulations réactivent jour après jour, des anneaux concentriques d'animation pour moi seul décroissante sont peu à peu gagnés, vers la périphérie, par l'atonie, par indifférenciation quasi-totale. Ce sont les chambres centrales du labyrinthe qui exerce sur l'homme de la cille leur magnétisme, ce sont elles qu'il revisite indéfiniment, le pourtour tendant à ne plus figurer qu'un écran protecteur, une couche isolante dont le rôle est d'enclore le cocon habité, d'interdire toute osmose entre les campagnes proches et la vie purement citadine qui se verrouille dans le réduit central."

édition José Corti 1985, p.2-3.

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